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Albert Camus – Discours – 22 janvier 1958

Puisque tout le monde célèbre les cinquante ans de la mort d’Albert Camus, je me mets aussi de la partie en citant ce discours, communiqué je ne sais où, retranscrit à partir d’une émission podcastée il y a quelque temps. Je ne connais ni le personnage, ni ses ouvrages, seulement ces mots, que chacun pourrait s’approprier.

Si je devais lui donner un nom, je l’appellerais « Sombritude« . Et j’ajouterais que 52 ans plus tard, le peuple a rejoint la médiocrité de ses élites, qui ne semble plus être provisoire, mais installée de façon durable..

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«J’essaie , en tout cas , solitaire ou non , de faire mon Métier .


Et si je le trouve parfois dur, c’est qu’il s’exerce principalement dans l’assez affreuse société intellectuelle où nous vivons,
où l’on se fait un point d’honneur de la (dé?)loyauté
où le réflexe a remplacé la réflexion
où l’on pense à coup de slogan
et où la méchanceté essaie de se faire passer trop souvent pour l’intelligence.


Que faire d’autre alors, sinon se fier à son étoile
et continuer avec entêtement la marche aveugle, hésitante, qui est celle de tout artiste
et qui la justifie quand même, à la seule condition qu’il se fasse une idée juste,
à la fois de la grandeur de son métier, et de son infirmité personnelle.


Cela revient souvent à mécontenter tout le monde.
Je ne suis pas de ces amants de la liberté
qui veulent la parrer de chaînes redoublées
ni de ces serviteurs de la justice qui pensent qu’on ne sert bien la justice qu’en vouant plusieurs générations à l’injustice.


Je vis comme je peux, dans un monde malheureux
riche de son peuple et de sa jeunesse,
provisoirement pauvre dans ses élites,
lancé à la recherche d’un ordre et d’une renaissance à laquelle je crois.


Sans liberté vrai, et sans un certain honneur, je ne puis vivre.


Voilà l’idée que je me fais de mon métier.


Et je sais aussi que j’ai essayé plus particulièrement de respecter les mots que j’écrivais,
puisqu’à travers eux, je voulais respecter ceux qui voulaient les lire
et que je ne voulais pas tromper. »

Albert Camus 22 janvier 1958

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6 janvier 2010 - Posted by | citations

6 commentaires »

  1. pourquoi dites vous ne pas connaître CAMUS et au même moment,avoir le besoin de partager sur ce personnage.svp.ne me répondez pas que la vague populaire vous a incités à vous penchez sur le sujet.le populiste ne s’arrête pas sur une spécialité!l’expression n’est pas une humiliation,s’agit-il plutôt d’un besoin irrépressible de partager notre vécu ou notre savoir si laborieusement appris.selon moi,c’est un don innestimable envers soi et autrui,que de partager nos connaissances.de plus est,c’est une obligation,par amour pour la culture et pour la survie du survivant.

    Commentaire par josée | 13 janvier 2010 | Réponse

    • Votre remarque me touche car elle résume mieux que j’aurais réussi à le faire ce qui me travaille.
      Vous me demandez de me justifier sur une question qui pourrait faire partie de l’intime. Disons que j’ai « attrapé » ce passage de Camus en écoutant une émission podcastée sur internet, il y a qq années. Cet extrait a suscité en moi un écho, de part mes activités professionnelles, mais aussi dans la sphère privée, et je m’y suis reconnu. La mort de Camus me l’a rappelé.
      Chaque jour il faut remettre sur l’établi son travail afin de le reprendre, l’améliorer, le comprendre. Cela ne peut se faire que dans le respect de soi et des autres, avec un minimum de liberté et d’estime de soi. « Et si je le trouve parfois dur, c’est qu’il s’exerce principalement dans l’assez affreuse société intellectuelle où nous vivons … ».
      Merci pour ce commentaire.
      Qu’entendez-vous par le populiste ne s’arrête pas sur une spécialité ?

      Commentaire par Occidere | 13 janvier 2010 | Réponse

  2. pour répondre à votre question,la majorité du peuple se contentent de ce qu’on leurs fournient comme information,ils ne cherchent pas en savoir d’avantage.

    Commentaire par josée | 15 janvier 2010 | Réponse

  3. Bien que tardivement; il me faut revenir sur le discours de Camus, à propos duquel, outre le fait qu’il soit toujours d’actualité, nous démontre encore une fois que l’homme révolté d’hier et mort de façon absurde, que la révolte aujourd’hui ne se pratique plus en Occident. L’équation entre la médiocrité de nos élites et des gouvernés est accomplie, ce qui signifie en quelque sorte la mort de notre société, étant donné que l’équilibre dans l’absolu, est la mort. Le problème se pose ainsi, « comment revenir à un déséquilibre », permettant à nouveau de produire des aspérités et non des productions lisses et stériles.
    Une autre société doit, devra se faire, dans les interstices des principes Camusiens.
    Frédéric Chevallay

    Commentaire par Frédéric Chevallay | 4 septembre 2010 | Réponse

    • J’aime bien votre commentaire.
      Si une autre société doit se faire, je ne pense pas que ce sera l’Europe, ni d’ailleurs les Etats-Unis en plein déclin, qui en seront le point de départ.
      Je serais plutôt de l’avis de Roger Garaudy : « Une époque historique est en train de mourir : celle qui fut dominée, depuis cinq siècles, par l’Occident […] Une autre est en train de naître, du côté où le soleil se lève : l’Orient » -1998-

      Commentaire par Occidere | 5 septembre 2010 | Réponse

    • Quelle autre société peut on espérer dans ce monde qui a effacé toute historicité, qui, par une peur panique de la mort, préfère l’immobile au devenir en se grisant de vitesse pour mieux oublier qu’il stagne ? Quel autre nous reste-t-il par delà cette peur viscerale de nous-même où notre identité occultée nous ferme toute alterité ? L ‘interstice demande ce courage de l’abandon de soi qui ouvre la porte à la création de l ‘être, mais d’ouest en est, je ne vois que crispation et attachement à tout ce qui est mortifère et anéantit l’idée même de liberté.

      Commentaire par carole | 15 août 2016 | Réponse


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